En Vedette


Voir plus

Un guide pour les entreprises canadiennes : 5 clés de décodage du programme du président Trump

1.   Fouetter la croissance :

Alors même qu’une croissance économique soutenue semble être une chose du passé pour les économies industrialisées occidentales, les ambitions du président Trump, à savoir récupérer les emplois pour les rendre aux collectivités et aux travailleurs qui n’ont pas bénéficié du développement des technologies et du commerce, ne pourront se matérialiser sans une vague de croissance rapide. Les proches du président soutiennent qu’ils disposent d’une série de politiques ambitieuses qui permettraient d’atteindre une cible de croissance du PIB de 3 à 4 % (comparativement à la tendance récente de 1 à 2 %), quoique ces politiques n’aient jamais été exposées publiquement, et sans égard au fait qu’un tel rythme de croissance puisse mettre en pièces le marché mondial (voire celui des plus proches voisins des États‑Unis). Pour parvenir à une telle croissance, le gouvernement doit investir massivement dans l’économie (c.-à-d. réaliser des investissements publics et privés substantiels dans les infrastructures publiques et accroître les dépenses militaires), amorcer un « rapatriement » des emplois et du capital (par des « retouches » à l’ALÉNA et l’imposition du principe « embaucher américain, acheter américain »), de même que stimuler de manière importante les investissements des entreprises (réduction de la bureaucratie et de la réglementation et baisses d’impôt pour les sociétés). En d’autres termes, le programme n’est pas un simple retour aux sources, mais traduit un objectif de cohésion visant l’obtention d’une robuste croissance du PIB.

Ce programme comporte de nombreux risques pour les entreprises canadiennes. Tout d’abord, une invitation à opérer des « retouches » encourage les entreprises américaines à se concerter pour raviver les plaintes qu’elles ont toujours eues sur la manière dont le Canada fonctionne et demander à l’administration Trump de plaider leur cause. L’industrie américaine du vin monte un dossier pour demander le démantèlement des magasins administrés par le gouvernement qui accordent un accès préférentiel aux vins canadiens. Les exploitants de fermes laitières et autres cherchent à s’attaquer aux agences de commercialisation et à divers mécanismes de protection mis en place pour l’industrie fromagère canadienne. Les restrictions à la propriété dans le secteur des télécommunications et les mécanismes de protection en matière de culture ne sont probablement pas bien loin. Pour réussir, les entreprises canadiennes devront se préparer pour les négociations et comprendre les points névralgiques.

Ensuite, le « courant d’aspiration » qui se dessine devrait se traduire par un afflux de capitaux aux États‑Unis, à la faveur d’une série de mesures favorables aux entreprises. Il s’agit par exemple d’un allégement du processus de réglementation, grâce auquel le laps de temps s’écoulant entre la conception d’un projet et son approbation sera réduit de façon draconienne, de l’instauration d’un nouveau régime avantageux d’impôt des sociétés et de la mise en place d’un certain nombre d’États sans syndicats. Ce nouvel environnement pourrait offrir des occasions aux entreprises canadiennes qui ont le talent et l’expertise voulus pour en tirer parti dans des domaines comme ceux du pétrole et du gaz naturel et de l’infrastructure, mais elles devront être guidées par des experts pour se diriger entre les écueils des politiques américaines.

2.   Ramener les emplois dans les bons comtés

Le président Trump a remporté des États clés dans le Nord et le Midwest, comme la Pennsylvanie, le Wisconsin, le Michigan et l’Ohio, en soulignant tout au long de sa campagne la nécessité de stimuler l’emploi dans les zones où la nouvelle économie avait laissé des villes exsangues et des électeurs inquiets. Sa campagne, axée sur cette anxiété, semblait offrir une lueur d’espoir et lui a donné la victoire. Toutefois, l’objectif politique ne s’arrête pas à la campagne de 2016. Trump et ses principaux stratèges visent à briser l’emprise qu’exercent historiquement les démocrates sur ces États en y créant 25 millions d’emplois. Dans deux ans, ces États de poids seront de nouveau en jeu, et l’équipe de Trump devra avoir rempli ses promesses dans ces États traditionnellement bleus si les républicains veulent s’y voir réélire. Une stratégie gagnante pour quiconque aspire à traiter avec l’administration Trump sera de trouver une façon de l’aider à atteindre cet objectif de création d’emplois. Dans le cas du Canada, la difficulté réside dans le fait que l’industrie de l’automobile régnait auparavant dans bon nombre de ces États et que, même si le discours officiel pointe du doigt le Mexique (ainsi que les autres pays à faibles coûts, il y a un risque pour le Canada, car ces sociétés du secteur de l’automobile décident du lieu où elles investissent. Pour les entreprises, des indications sur les lieux d’investissement à privilégier et sur la façon d’obtenir l’appui de l’administration peuvent s’avérer inestimables.

3.   Mobiliser l’opinion publique

Le président Trump est en quelque sorte un candidat indépendant qui a remporté la présidence par le truchement du parti républicain. Ses assises « indépendantes » au sein de l’électorat comprennent d’abord les 25 millions de personnes qui le suivent sur Twitter. Ce vaste auditoire constitue un outil très efficace de mobilisation politique et de diffusion de message. Plus précisément, il s’agit d’un moyen extrêmement puissant contre tout membre du Congrès, sénateur ou gouverneur (tout particulièrement républicain) qui s’oppose au plan d’action du président.

Les entreprises canadiennes qui tentent d’attirer l’attention du président Trump adoptent une stratégie carrément risquée. Certaines sociétés ont vu le cours de leurs actions s’effondrer à la suite d’une tempête soulevée par le président sur Twitter, puis après un changement de cap, ont reçu des éloges et constaté une hausse simultanée du cours de leur action. Cette volatilité peut être redoutable. Lorsque les entreprises privilégient la certitude sur le plan des politiques, la promotion de leurs objectifs commerciaux à l’extérieur de la scène publique est préférable. Pour elles, cette façon de faire des affaires atténue considérablement la volatilité.

4.   Un chef de la direction comme président

Donald Trump a fait carrière comme entrepreneur et chef d’entreprise. Il a l’habitude de prendre des décisions et de les mettre en œuvre dans une structure d’entreprise qui est à l’écoute de ses ordres. Les gouvernements ne fonctionnent pas ainsi, comme le président l’a appris dès les premiers jours de son mandat. Les gouvernements suivent des processus, et les leviers du pouvoir ne sont pas tous confiés au président. Les rédacteurs de la Constitution américaine ont délibérément distribué les pouvoirs à divers intervenants dans le système, et la lutte entre la volonté du pouvoir exécutif et les voies et processus constitutionnels se poursuivra. Cela dit, le Cabinet et le personnel de la Maison‑Blanche ont été choisis selon le modèle du chef de la direction. Les membres du Cabinet ont été recrutés parmi les gens d’affaires prospères qui ont bien réussi, ce qui laisse présager que cette administration sera dirigée par une hiérarchie que supervise un chef de la direction déterminé et, dans une certaine mesure, imprévisible. Les subalternes mettront de l’avant les politiques dictées par les hauts dirigeants.

En tant que chef de la direction, le président Trump n’est pas suffisamment patient pour suivre les processus et les rouages législatifs. Pour cette administration, le vice‑président Mike Pence sera le principal responsable de la mise en œuvre des projets et des mesures sur la colline du Capitole. On peut ainsi espérer que les questions de politique transfrontalière soient traitées favorablement avec des secrétaires du Cabinet et le vice-président, à l’écart du compte Twitter de la Maison‑Blanche, tout particulièrement pour les questions qui ne sont pas liées aux éléments clés du programme décrits ci‑dessus.

5.   Une démarche d’approbation sûre

Si vous voulez persuader l’administration du fait que votre demande est valable ou éviter de nuire à votre position en entravant une priorité de M. Trump, ce sera un gage de succès si vous pouvez ajouter un élément à l’appui des politiques du président. Lorsqu’il était candidat, M. Trump a vivement reproché aux fabricants de voitures américains de construire des automobiles au Mexique et d’y exporter des emplois. Quelques minutes à peine après le début de sa première conférence de presse officielle, le président a salué la décision de Ford d’annuler la construction d’une nouvelle usine au Mexique. Il a ensuite pointé du doigt General Motors, qui s’est empressée d’annoncer un investissement de 1 milliard de dollars dans de nouvelles usines aux États‑Unis. Peu importe que cet investissement aux États‑Unis ait déjà été prévu ou non. Ce qui compte, c’est que cet investissement cadre avec le discours du président, et aucune explication n’avait à être donnée sur le fait qu’il s’agissait d’une coïncidence ou pas. Lockheed Martin, quant à elle, a déplacé un nombre d’emplois relativement faible au Texas et s’est engagée à réduire le coût global du projet, dans le but de préserver son contrat d’approvisionnement fortement contesté visant les appareils F-35. Pour mettre les choses en perspective, les montants en question étaient modestes, mais ils ont permis au président de crier victoire et à la société, de protéger son contrat. En d’autres termes, la société, en laissant au président la victoire sur le plan des relations publiques, a adopté une stratégie gagnante. À l’aide de conseils judicieux, les sociétés peuvent obtenir une victoire sur le plan commercial, tout en conservant l’appui de l’administration.


Scroll to Top