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« Vive le Canada » – ce que le président Joe Biden signifie pour le Canada

Le président élu Joe Biden est devenu le président Biden aujourd’hui, dans le cadre d’une cérémonie où les mesures de sécurité les plus extraordinaires ont été prises depuis que Lincoln a prêté serment en 1861, des semaines avant le début de la guerre civile américaine. Les Canadiens ont suivi la fin de l’administration Trump – la prise d’assaut du Capitole, une seconde mise en accusation historique – et espèrent un nouveau départ.

Les relations bilatérales sont fondamentales pour les intérêts canadiens. Au mois de novembre, nous avons analysé en profondeur ce que signifiait une présidence Biden pour le Canada. Deux mois plus tard : les Démocrates ont pris le contrôle du Sénat; Ottawa a dévoilé les détails de ses plans en matière de changement climatique, a nommé un nouveau ministre des Affaires étrangères et a déposé un projet de loi sur la taxation des géants de l’Internet; et le président Biden a sans tarder fait opposition au projet de pipeline Keystone XL.

Notre analyse renouvelée présente une mise à jour sur les relations entre le Canada et les États-Unis.

« Vive le Canada » – ce que le président Joe Biden signifie pour le Canada : la perspective de Vantage (janvier 2021)

Peu après que les principaux réseaux aient déclaré Joe Biden 46e président des États-Unis, le premier ministre Trudeau publiait sur Twitter le message suivant : « Félicitations… je suis impatient de poursuivre ce partenariat avec vous. » On pouvait presque entendre le soupir de soulagement qui accompagnait le Tweet. Au cours des quatre dernières années, le dicton historique « Quand les États-Unis éternuent, le Canada attrape la grippe » pourrait bien avoir été « Lorsque le président tweete, le Canada se prend un nouveau tarif douanier ». Le degré d’instabilité et de volatilité et, parfois, l’hostilité flagrante que l’administration Trump a manifestés à l’égard de son allié le plus proche demeurent difficiles à comprendre.

Maintenant que le président Joe Biden est assermenté, les représentants du Canada ont hâte à quatre années de stabilité et de prévisibilité. Ils entrevoient une relation qui comportera son lot de différends, mais ceux-ci seront rationnels, pensés et communiqués de telle manière qu’on ne devrait pas s’attendre à ce qu’ils remettent en cause le fondement de l’amitié et de l’intérêt mutuels qui sont au cœur des relations entre ces deux pays.

COVID-19

Au mois de novembre, lorsque les électeurs se sont rendus aux urnes, les États-Unis déclaraient plus de 100 000 cas de COVID-19 par jour. Ce nombre dépasse maintenant les 200 000 cas par jour. Ron Klain, le chef de cabinet du président, a prévenu que le bilan des décès dus au coronavirus en Amérique dépassera les 500 000 cas d’ici à la fin du mois de février – un chiffre qui est si horriblement élevé que les psychologues politiques estiment que nos cerveaux compensent par une défense « d’insensibilité psychique ».

Pour lutter contre le virus, le président Biden a fixé l’objectif de 100 millions de vaccins qui seront administrés au cours des 100 prochains jours. C’est un objectif qui, selon le Docteur Anthony Fauci, est « [traduction] absolument faisable », mais dont le président reconnaît lui-même qu’il « [traduction] exigera de notre pays les efforts opérationnels les plus difficiles qu’il ait jamais entrepris ». Biden a promis que son équipe « [traduction] gérera cette opération de main de maître » en assouplissant les restrictions quant à qui peut être vacciné (et quand), en créant davantage de sites de vaccination, en mobilisant davantage de personnel médical pour administrer les vaccinations et en augmentant l’approvisionnement en vaccins auprès des fabricants lorsque c’est nécessaire et quand c’est nécessaire.

Or ce n’est pas la voie que semblent suivre nos gouvernements fédéral et provinciaux. Si le président Biden est en mesure de maîtriser le virus plus vite que nous grâce à une initiative de vaccination de masse, il se peut que ce soit nos voisins, plutôt que nous, qui demandent que les frontières entre le Canada et les États-Unis demeurent fermées une bonne partie de l’année 2021.

LE CLIMAT

Durant sa campagne, Biden ne s’est pas excusé de sa rhétorique sur les changements climatiques. Le président prend des mesures précoces dans le cadre de ses promesses : président depuis quelques heures seulement, il rejoint l’accord de Paris et annule le permis essentiel pour le projet de pipeline Keystone XL. La nomination de John Kerry comme envoyé spécial du président pour le climat renforce davantage son engagement à faire bouger les choses dans ce domaine; le rôle de Kerry est essentiel : il siégera au Conseil national de sécurité à la Maison-Blanche. C’est la première fois que le conseil comprendra un membre entièrement dédié aux changements climatiques.

Au mois de novembre, nous avons indiqué que si le président restait fidèle par ses actes à la rhétorique claire du candidat qu’il a été, le premier ministre Trudeau pourrait avoir davantage de latitude pour faire la même chose. Le premier ministre, semble-t-il, a eu la même idée. Son gouvernement cherche déjà des manières de collaborer avec la nouvelle administration Biden; le Plan climatique canadien, publié en décembre 2020, évoque souvent « l’engagement », la « collaboration », le « travail » et l’« alignement » avec le gouvernement américain.

ÉNERGIE
D’un trait de plume, le président Biden a (une fois encore) annulé le projet de pipeline Keystone XL controversé. En novembre 2015, le projet de pipeline semblait mort lorsque le président Obama a annoncé qu’il était d’accord avec la décision du département d’État américain de rejeter ce projet qui permettrait d’expédier plus de 800 000 barils par jour de pétrole brut de l’Alberta vers le Nebraska. Par la suite, en janvier 2017, le président Trump a signé un décret ressuscitant le projet de pipeline. Aujourd’hui, au grand regret du premier ministre de l’Alberta Jason Kenney, le président Biden a encore une fois pris une décision contraire.

Même si cette décision était attendue, elle est venue plus tôt que prévu et la priorité qui lui a été conférée dépasse ce que certains avaient prévu. Les experts devraient s’abstenir d’interpréter outre mesure cette décision : les États-Unis agiront toujours dans l’intérêt national et selon la perspective de ceux qui détiennent le pouvoir. Il revient au Canada de trouver des concordances stratégiques avec ses intérêts. Pour sa part, le premier ministre Trudeau a déclaré : [traduction] nous continuerons de démontrer le leadership du Canada en matière de lutte contre le changement climatique. Nous continuerons de présenter ce dossier et j’ai hâte de pouvoir parler avec le président Biden au cours des prochains jours ».

IMMIGRATION

L’administration Trump n’a jamais raté une occasion de dénigrer l’immigration – une décision politique que le président Biden a hâte de renverser. Aujourd’hui, Biden a remis un projet au Congrès consistant à réviser les lois américaines sur l’immigration. La proposition, qui constitue la tentative la plus importante de réforme complète de l’immigration depuis l’échec de 2013, établirait dans la loi une procédure de huit ans d’obtention de la citoyenneté visant 11 millions d’immigrants aux États-Unis. Toutefois, la proposition n’augmente pas le nombre de visas H-1B disponibles pour les travailleurs étrangers hautement qualifiés. Le Canada, au cours des quatre dernières années, a enregistré un afflux d’immigrants et continuera de bénéficier de cette limite.

COMMERCE

Tandis que le président Biden mettra probablement fin à des tarifs douaniers motivés par des raisons politiques, comme ceux imposés sur l’acier et l’aluminium canadiens, cela ne veut pas dire qu’il n’ira pas de l’avant avec des politiques protectionnistes. Il a fait campagne sur un plan de relance « Made in All of America » (entièrement fabriqué en Amérique et entièrement par des Américains), qui comprend un plan d’approvisionnement « Buy American » (Acheter américain) de 400 milliards de dollars (américains) qui favoriserait les entreprises américaines dans les contrats d’approvisionnement du fédéral et qui pourrait empêcher les entreprises canadiennes de faire des soumissions sur les projets d’infrastructures des États-Unis. Ce serait un coup dur pour l’industrie canadienne : l’engagement de Biden à l’égard de la politique industrielle n’est pas si éloigné de celui du gouvernement libéral, mais l’échelle de l’investissement prévu en Recherche et développement — 300 milliards de dollars pour la 5G, l’intelligence artificielle et d’autres secteurs à la fine pointe de la technologie — est effarante. Les négociateurs commerciaux canadiens, qui avaient gagné en confiance en raison de leur victoire dans le cadre de l’ALÉNA 2.0/ACEUM, essaieront de trouver des manières de rendre ces entreprises admissibles dans le cadre de la politique; le prix à payer pourrait bien être un accès accru des entreprises américaines aux contrats publics canadiens.

IMPÔTS

Le président élu Biden a promis de faire d’une pierre deux coups en matière de fiscalité : tout d’abord annuler les réductions d’impôts du président Trump, et ensuite augmenter les impôts de près de 3,5 billions de dollars au cours des 10 prochaines années payables par les entreprises et les particuliers gagnant plus de 400 000 $ par année. En novembre, nous doutions que la proposition passe l’étape du Sénat contrôlé par les Républicains. Mais depuis le doublé des Démocrates en Géorgie, lesquels ont remporté les deux sièges dans le cadre du deuxième tour des élections sénatoriales il y a deux semaines, le contrôle du Sénat est désormais entre les mains de la vice-présidente Kamala Harris qui détient le vote prépondérant – une manne dont le président avait grand besoin pour son programme législatif. Si Biden va de l’avant avec son plan de faire passer l’impôt sur le revenu des sociétés de 21 % à 28 %, cela aiderait grandement à mettre sur un même pied les entreprises établies au Canada et les entreprises établies aux États-Unis.

INNOVATION

L’une des choses que le monde – sauf les États-Unis – a essayé de comprendre est la réforme des modes d’imposition des entreprises numériques multinationales. Même si l’on estime que Républicains et Démocrates s’entendent sur la nécessité d’une protection des sociétés numériques, lesquelles sont presque toutes établies aux États-Unis, on craint que certains pays commencent de manière individuelle à taxer les services numériques en l’absence de consensus sur cette question. Dans un tel cas, le Canada (qui a promis d’imposer une TSN de trois pour cent sur les ventes effectuées au moyen de la publicité ciblée et les revenus tirés des services numériques entreprises d’au moins 1 milliard de dollars de revenus mondiaux et de plus de 40 millions de dollars de revenus au Canada) pourrait se trouver dans une position inconfortable dans le cadre de l’ACEUM, ou en violation de ce traité, s’il devait aller de l’avant avec ce projet de taxe.

Les autres domaines de l’écosystème de l’innovation ayant des ramifications transfrontalières à surveiller de près sont notamment les plateformes offrant des services de santé numériques (qui connaissent une grande popularité à l’ère de la COVID-19), les travailleurs à la tâche et les progrès réalisés dans les technologies propres.

DÉFENSE

La défense est souvent le parent pauvre des relations entre le Canada et les États-Unis. Alors que les pays cherchent à actualiser le NORAD pour l’adapter au 21e siècle, la défense pourrait retourner sous les feux des projecteurs. Le président Biden sollicitera le Canada pour qu’il augmente de façon continue ses dépenses en matière de défense et à maintenir son soutien à des organisations internationales comme l’OTAN.

CHINE

Alors que les législateurs américains s’adaptent au changement de statut de la Chine qui, de concurrent est passée à celui d’adversaire, cette nation émergente pourrait bien être la principale source de consensus entre Démocrates et Républicains. Même si l’on s’attend à ce que le président Biden suive une politique plus stable en ce qui concerne la Chine (et qu’il soit moins obsédé par l’équilibre des balances commerciales), il ne devrait pas être plus souple. Les hauts fonctionnaires canadiens qui espèrent un dénouement en douceur de l’affaire Meng Wanzhou seront probablement fort déçus : une oreille sympathique est loin d’être une solution suffisante. Mais cela ne veut pas dire qu’ils n’essaieront pas. Le ministre des affaires étrangères nouvellement nommé, Marc Garneau, a déjà lié Ottawa et Washington : « [traduction] La relation entre le Canada et la Chine est très importante, mais elle a aussi des ramifications avec celle existant entre les États-Unis et la Chine. Aussi, au cours des prochaines semaines, nous allons présenter à la nouvelle administration nos idées au sujet des deux Michael et d’autres questions qui touchent conjointement nos deux pays à l’égard de la Chine. »

LA SCÈNE INTERNATIONALE

Hier, le secrétaire d’État sortant Mike Pompeo a déclaré sur Twitter que « [traduction] le multiculturalisme [n’est] pas ce qui définit l’Amérique. » Ce sentiment –exprimé par l’administration Trump à de nombreuses reprises – contraste avec un commentaire que le vice-président d’alors, Joe Biden, avait fait il y a un peu plus de quatre ans lors d’une visite à Ottawa « [traduction] Vive le Canada, parce que nous avons beaucoup besoin de vous. » Le message était clair : selon le futur président américain dont le motto était « America First » (l’Amérique en premier), le Canada devrait faire plus que sa part pour défendre l’ordre libéral sur la scène internationale. Alors que le président Biden devra composer avec un sentiment isolationniste qui perdure dans son pays, son administration cherchera à reprendre les relations avec des institutions que les États-Unis ont négligées, pour ne pas dire intimidées ou insultées, au cours des quatre dernières années. On en veut pour preuve les décisions prises par Biden lors de sa première journée comme président d’annoncer le retour des États-Unis dans l’accord de Paris sur le climat et dans l’Organisation mondiale de la santé. Pour sa part, le Canada cherchera à trouver des manières d’aider les États-Unis à revenir sur la scène internationale et à renouer avec des dirigeants mondiaux qui se sont détournés de la superpuissance (un rôle que le Canada a déjà joué par le passé à l’égard des États-Unis).

AMITIÉS

Le Canada, bien évidemment, ne sera pas la première préoccupation du président Biden. Mais l’homme connaît et apprécie le Canada tout comme un certain nombre de ses plus proches conseillers. À l’occasion de la visite de Biden en 2016 à Ottawa, il a fait remarquer qu’il pouvait dire qu’il a travaillé non seulement avec Justin Trudeau, mais aussi avec Pierre Trudeau (étant donné la longue carrière de Biden au Sénat des États-Unis, ayant été élu pour la première fois en 1972). Évidemment, la vice-présidente Kamala Harris elle-même a fréquenté une école secondaire à Montréal. Susan Rice, une proche conseillère et la nouvelle dirigeante du Conseil de politique intérieure de la Maison-Blanche (et dont on dit qu’elle se trouvait juste derrière Harris pour la nomination à la vice-présidence), a travaillé à Toronto et a épousé un Canadien. Et le directeur de campagne de Biden, Jen O’Malley Dillon, a conseillé l’équipe de campagne de Trudeau en 2015. Ce genre de liens joue aussi un rôle de rapprochement des deux parties.

CONCLUSION

Le gouvernement Trudeau a géré de manière admirable les relations avec la capricieuse administration Trump. Mais cette tâche a été facilitée par le profond dédain des Canadiens pour tout ce qui touchait à Trump. Aujourd’hui, le président Biden étant à la Maison-Blanche, le premier ministre pourrait trouver que les Canadiens ont de grandes attentes et veulent des issues et résultats positifs. Est-ce dans l’ordre du possible? Si les élections ont permis d’évacuer la présidence Trump, elles n’ont pas évacué les États-Unis que Trump représente. Le président Biden devra composer avec un ex-président agité, 74 millions d’électeurs ayant voté pour Trump et l’aile gauche protectionniste du Parti démocrate – une source possible de conflits politiques permanents et de paralysie des politiques qui pourrait porter atteinte aux initiatives transfrontalières.

Pour autant, Biden a écrit dans ses mémoires de 2007 que probablement « [traduction] le conseil le plus important que j’ai reçu au cours de ma carrière m’a été donné par » feu Mike Mansfield (D-Mont.), alors chef de la majorité au Sénat américain, qui lui a dit : « [traduction] ton travail ici est de trouver ce qu’il y a de bien chez tes collègues — les choses que leur État a vues aussi chez eux — et de ne pas t’attacher à leurs côtés négatifs. » Fait important : ce conseil guide toujours le président Biden, sur le plan de sa philosophie de base, à l’égard de questions de politique nationale comme étrangère.

Note de l’éditeur : vous avez besoin d’aide pour comprendre les rouages du gouvernement? Vous ne voulez jamais manquer l’une de nos mises à jour? Vous avez une idée sur un sujet dont nous devrions parler? Envoyez-nous un message à l’adresse info@mcmillanvantage.com.


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